À Rome, l’âge de la majorité passa de 12/14 ans à 25 ans
L’âge de la majorité était, à Rome, sous la République, de 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons. Dans l’a l’Empire décadent, elle est passée à 25 ans. Comment en est-on arrivé là ?
La Lex plaetoria et ses effets pervers
Au début de IIe siècle avant Jésus-Christ, il y a beaucoup de jeunes pubères (14–25 ans) qui se font rouler dans des contrats. Ce sont souvent des crédits usuraires qui les ruinent. Cela choque le peuple romain qui vote par plébiscite la Lex Plaetoria, vers -190. Cette loi condamne à des peines sévères ceux qui abuseraient des adolescents. On établit aussi un droit de rescision pour les contrats passés avant 25 ans. Il s’agit de la possibilité de revenir sur un engagement où on aurait été lésé.
La Lex Plaetoria, partant manifestement d’une bonne intention, a alors entraîné des effets pervers au fil des décennies. Elle faisait, par sa sévérité, peur aux contractants, qui refusaient de plus en plus de passer des contrats avec des jeunes de moins de 25 ans. Ceux-ci devaient donc contracter accompagnés de leur père, d’un tuteur ou d’un curateur. La présence du curateur dégageait la partie adverse du coup de la Lex Plaetoria.
Les 14-25 ans se retrouvèrent tous avec un curateur, l’âge de la majorité à Rome passa à 25 ans
Après quatre siècles, la plupart des jeunes se sont, ainsi, retrouvés avec un curateur attitrés, c’était quasiment obligatoire. Marc-Aurèle en prend acte et déclare incapable mineur tout jeune avec un curateur. Dioclétien ira jusqu’au bout de la logique et passe l’âge de la majorité à Rome à 25 ans pour tous.
L’émancipation (Venia Aetatis), pour compenser l’âge tardif de la majorité à Rome
Comme cet âge de la majorité à Rome pourrissait la vie des jeunes, on créa alors une émancipation, la Venia Aetatis. Elle permettait une majorité anticipé des jeunes gens sur décret impérial, en particulier ceux qui étaient considérés comme méritants… Une loi qui corrige les effets aberrants d’une autre loi. Ce n’est pas sans nous rappeler certaines situations contemporaines avec la création d’usines à gaz. Pensons aux aides d’État pour compenser les effets des taxes…
La majorité tardive à Rome ressemble à l’évolution caractéristique vers la bureaucratie. Avec cette inflation législative qui apparaît dans la phase de décadence d’une civilisation.
Le droit romain ancien comme le droit romain décadent ont inspiré diversement les droits modernes
Toute cette Histoire a été reçue de différentes façons dans les droits européens.
Ainsi, dans le droit canon et dans de nombreux droits locaux médiévaux, ont été reprises les majorités à 12 (♀)et 14 ans (♂), parfois ramené à 13 pour les deux sexes comme dans certaines régions des Pays-Bas. Jusqu’en 1991, en Écosse, ces âges de 12 et 14 ans étaient retenus pour la prémajorité. Le droit de rescision pour les engagements pris avant 21 ans existe toujours.
Au contraire, la majorité à 25 ans, reprise dans les compilations jutiniennes de d’Ulpien, a été recopiée avec la soi-disant « redécouverte du droit romain » du bas Moyen Âge et de la Renaissance. C’était, en fait, une mode qui consistait à singer le droit de la Rome décadente. Une des imitations idiotes était l’âge tardif de la majorité à Rome. A cette époque, la tendance a été de relever l’âge de la majorité partout en Europe (sauf en Écosse et sur quelques îles). C’était, en quelque sorte, le « progressisme » du moment. Ainsi, en France, c’est l’Ordonnance de Blois de 1579 qui passe brutalement la majorité à 25 (♀) et 30 ans (♂).
La Révolution, l’Empire et la République héritent du droit romain décadent
La Révolution baisse la majorité à 21 ans la majorité mais continue de très mal traiter les mineurs de 21 ans. Napoléon n’arrange rien. Ainsi, dans le code civil, le père peut ouvrir leur courrier, imposer sa religion, interdire de fréquenter qui bon lui semble, imposer des études ou un métier… Le seul droit anticipé est celui d’aller à l’armée. La correction paternelle, droit du père de famille de mettre ses enfants en prison sans même passer par un juge, ne disparaît en France qu’en 1935. C’est aussi ce funeste héritage qui retarde le vote des femmes en France. Ce visage ultraconservateur de la République n’est que trop peu enseigné en Histoire. On perpétue beaucoup trop le cliché d’une Renaissance lumineuse et d’une Révolution libératrice après des siècles d’obscurantisme. Sous cet aspect là et, en fait, sous beaucoup d’autres, Kropotkine l’a déjà démontré, c’était le contraire.
Un mouvement contraire à partir des années 1960
Ce sont les mouvements de jeunesse des années 1960 qui pousseront, un peu partout en Occident, à baisser l’âge à 18 ans (1970 en Angleterre, 1974 en France et… 1988 aux Pays-Bas et 1991 en Belgique !). Toutefois, certains territoires ont gardé une majorité basse en continue depuis le Moyen Âge : îles anglo-normandes, Île de Man, Écosse. Il demeura aussi pas mal de dispositifs proposant un statut intermédiaire aux adolescents, gardant l’apparition d’une capacité juridique précoce : Écosse, Allemagne (héritage du Miroir de Saxe), Suisse…
En France, d’ailleurs le mot « mineur » n’a pas disparu, contrairement à d’autres pays.
Le miroir de Saxe, recueil juridique coutumier dans l’Ouest de l’Allemagne :