Traduction par Ursula LECOMTE.
La Confédération Helvétique mériterait d’être mieux connue en France au-delà des clichés débilitants sur les questions fiscales. C’est, cela mériterait une plus grande publicité, une démocratie avancée et bouillonnante d’associations très actives. Le canton, conséquence du caractère confédéral de la Constitution, est la structure territoriale majeure de l’organisation politique.
Les droits des jeunes sont particulièrement présents dans la vie associative suisse, comme on le constate sur le site de l’information associative. Il existe de très nombreuses associations et structures au niveau cantonal et communal qui travaillent pour améliorer et encourager l’engagement de la jeunesse. Il y a la volonté de responsabiliser les adolescents afin de prendre leur vie et leur avenir en main, de participer à la vie publique et politique de manière active. Les enfants et ados sont extrêmement bien encadrés et guidés ; le lobby pour les droits des adolescents, sur le plan politique, est très actif mais il subsiste encore pas mal de résistances. Le CSAJ (SAJV en allemand) est une structure administratrice et centralisatrice de toutes les associations suisses qui relèvent des activités périscolaires et des Services aux Enfants et à la Jeunesse. Il défend leur intérêt sur le plan politique et se fait fort de donner aux jeunes la possibilité de participer à toutes les décisions prises ou à prendre concernant la politique, l’intégration, la santé, la prévention, d’être actifs en devenant bénévoles. Un employeur ou maître de stage est obligé de libérer chaque jeune désireux de suivre une formation dans ce sens ou certaines manifestations dans ce cadre. A noter qu’à l’école, la politique est une matière à part entière.
Comme la politique familiale est différente dans chaque canton, on cherche à homogénéiser les décrets et les décisions concernant le droit des enfants et des ados ainsi que des jeunes adultes. L’objectif est de centraliser toutes les initiatives, projets et droits concernant la jeunesse pour gommer toute différence, donc injustice, entre les cantons. Le droit familial doit être identique partout. La Conférence des directrices et directeurs des Affaires sociales et familiales s’y emploie, il y a des progrès mais encore du chemin à parcourir.
Ici, sera présentée l’initiative exemplaire du Glarus pour le droit de vote à 16 ans, réforme locale réalisé dans un pays où les pré-majorités progressives pour les adolescents sont déjà largement instaurées et constituent une culture juridique de fond, contrairement à la France. A l’ACJAPM, nous pensons que le droit de vote à 16 ans sans une modification profonde du statut juridique des adolescents serait incohérent, c’est pourquoi nous ne le proposons pas pour l’instant.
Les acteurs locaux du canton de Glaris
Suite à nos échanges avec les responsables du Jugendarbeit* du petit canton montagnard alémanique de Glaris (Glarus en Allemand), nous avons obtenu des documents dont le contenu méritait d’être extrait et traduit en France, ce qui n’a jamais été fait. Notre contact est Caroline Wirth (Jugendverantwortliche, der drei Glarner Gemeinden, Zaungasse 2, 8750 Glarus ; caroline.wirth@glarus.ch ). Les acteurs du débat et des réformes réalisés entre 2005 et 2007, personnalités politiques et associatives locales, sont présentés sur ce lien. Paul Fluri, grand perdant des débats, est présenté, avec un certain fairplay très helvétique, en premier : préoccupé par les problèmes liés à l’alcoolisme, au tabagisme et au vandalisme, il souhaiter relever l’âge du vote à 19 ou 20 ans. Au contraire, pour Michael Pesabelle et Cecil Schefer, au contraire, la jeunesse, c’est l’avenir et ils sont favorables au vote à 16 ans. Esther Curiger cite des réalisations exemplaires de réalisations œuvres des 14-16 ans mais trouve cependant 16 ans précoce pour le vote. Myrta Giovanoli, militante des verts, est persuadée que les adolescents s’intéresseraient d’avantage à la politique si on les laissait participer, à l’instar de Sandra Fuhrer et Donato Colluto pour qui « la meilleure façon d’apprendre, c’est de pratiquer », d’où son souhait d’accorder le droit vote aux élections communales pour les 16-18 ans. Kurt Reifler, quant à lui, insiste sur la confiance à accorder à la jeunesse.
*Le terme Jugendarbeit, littéralement « travail de la jeunesse » ne signifie pas le travail des jeunes dans le sens de l’emploi mais le travail fait pour, avec et autour des jeunes (au sein d’une paroisse, par exemple, ou par les travailleurs sociaux, des animateurs, etc.)
L’épopée glaronaise du droit de vote à 16 ans
Les décisions préliminaires.
Soumission du décret d’abaisser l’âge légal du vote au niveau cantonal et communal en juillet 2005. Dans un premier temps, il y a refus, au motif que : « les jeunes eux-mêmes n’y attachent pas d’importance et ne seraient pas assez mûrs, la politique trop compliquée pour eux ; en outre, les jeunes seraient trop influençables ».
La nouvelle réglementation électorale de 2007
Le Grand Conseil a ratifié la motion d’abaissement du droit de vote passif de 18 à 16 ans au niveau cantonal et communal le 5 juin 2007, qui fut voté par le Landsgemeinde glaronais le 6 mai 2007 (Le Landsgemeinde est une assemblée regroupant directement tous les citoyens, un peu comme en Grèce Antique). Au niveau fédéral, il demeure à 18 ans.
Les passages qui suivent constituent un résumé traduit du document législatif du canton de Glaris intitulé Stimmrechtsalter 16. le document présentant de nombreuses redondances, Ursula a choisi d’alléger voire de supprimer certains passages.
1) Résumé
A 16 ans, on a le droit de participer aux suffrages, de voter mais pas de se présenter (droit de vote passif, c’est-à-dire sans pouvoir se présenter aux élections).
Les communes ne sont cependant pas obligées d’appliquer cette réglementation. Pour raison de clarification, le Conseil d’Administration souhaite et préconise une homogénéisation de la réglementation.
Le premier canton à pratiquer le droit de vote à 16 ans est le Glaris. Ailleurs, les discussions se poursuivent.
Le Conseil d’Administration a tiré la conclusion que le droit de vote à 16 ans ne peut avoir que des conséquences positives, sans compter que la situation démographique va dans ce sens. La solidarité entre les générations en ressortira renforcée. Le canton de Berne peut donner un signal positif pour la jeunesse mais reste à franchir l’étape incontournable du referendum.
2) Dans le canton de Berne, la Conseillère d’Administration a invité à abaisser le droit de vote passif à 16 ans.
« Les jeunes de 16 ans ont des décisions importantes à prendre et portent la responsabilité de bâtir leur vie future. Ils sont sortis de l’obligation scolaire, ils ont des droits et des obligations juridiques (exemple : ils peuvent payer des impôts et peuvent souscrire certains contrats) alors qu’on les tient éloignés de toute décision politique ».
Or, ils sont tout-à-fait capables de participer à la vie publique, sociale et politique. Leur donner la possibilité de s’exprimer la suite logique de la théorie acquise grâce au programme scolaire et l’entrée dans la vie active. Willy Brandt disait « si nous voulons séduire la jeunesse, nous devons oser plus de démocratie ».
En Suisse, on est entrain de discuter l’abaissement du droit de vote à 16 ans dans plusieurs cantons ; dans certains Länder allemands, on le pratique depuis 1996 et 1997 (Niedersachsen et Schleswig-Holstein dans le Nord de l’Allemagne) au niveau communal. Mais uniquement le droit de vote passif.
A l’avenir, il y aura deux âges de vote : 16 ans pour le passif, 18 ans pour l’actif car il faut être majeur pour pouvoir être élu. Ceci tient aussi au fait qu’un élu doit pouvoir contracter dans ses fonctions alors qu’il n’aurait pas le droit de le faire dans la vie civile (l’âge de la majorité demeurant à 18 ans).
A l’heure actuelle, seul le canton de Glarus pratique le droit de vote à 16 ans (passif) ; le droit de vote actif ( possibilité d’être élu) reste à 18 ans puisqu’il faut être majeur.
3) Au niveau national
En 2007, le Conseil National était favorable au droit de vote passif à 16 ans. De ce fait, ils pouvaient ouvrir la voie. L’évolution démographique et sociologique prouve la maturité de beaucoup de jeunes prêts à s’engager activement dans la vie politique et ce, à tous les niveaux. Mais la question reste ouverte.
Le droit de vote dans la plupart des autres pays européens reste à 18 ans. La participation des citoyens* plus jeunes se cantonne à un niveau inférieur. Toutefois, le premier pays à appliquer le droit de vote à 16 ans est l’Autriche ; en Slovénie : 16 ans mais à condition de travailler et d’avoir un revenu.
Allemagne : quelques Länders seulement ont opté pour le droit de vote à 16 ans aux élections locales, exclusivement dans le et le Nord-Est Nord du pays.
Résumé, en Suisse, la question reste controversée mais la tendance va clairement vers les 16 ans.
4) Les raisons et arguments pour la nouvelle réglementation.
4-1 maturité politique,Définition imprécise.
– La capacité de jugement est donnée quand une personne est capable d’agir avec raison ; la loi ne donne pas d’âge précis mais on juge qu’un jeune de 16 ans est tout-à-fait apte.
– Le droit de défendre ses intérêts ne dépend que de la maturité de l’individu.
– Le droit de choisir sa religion en Suisse : 16 ans.
– Fin de la scolarité obligatoire : le jeune entrant dans la vie active est confronté à des décisions importantes à prendre concernant son propre avenir (choix de formation, de métier…)
– Il peut devenir imposable, payer des impôts comme chaque citoyen*.
– Droit d’entrer dans les parties politiques : 16 ans. Ce seul fait prouve que les partis leur reconnaissent une certaine maturité politique.
Dans la vie quotidienne, les jeunes doivent prendre des responsabilités. On attend d’eux qu’ils agissent en personnes responsables et sensées. Si on leur donne des devoirs, il faut également leur donner des droits. Suite à leur excellente formation scolaire, on peut s’attendre à ce qu’ils soient pleinement capables d’assumer.
4-2 : l’intérêt politique est une autre point d’importance.Il faut améliorer la formation politique au niveau scolaire. Pour le reste, les laisser participer au vote et aux décisions ne peut être que bénéfique, la pratique succédant à la théorie directement à la sortie de l’école. C’est un non-sens de laisser subsister un « trou » de 2 ans, entre 16 et 18 ans.
Si l’école a réussi à éveiller un certain intérêt à la vie politique, les en exclure deux ans risque d’anéantir les efforts fournis.
Après sondage, seuls 42,5% des jeunes souhaitent pouvoir voter à 16 ans… leur désintérêt après avoir quitté le milieu scolaire est manifeste.
4-3 : La question démographique :Il est une évidence : la population vieillit. Il devient vital, pour garder un certain équilibre, d’impliquer la jeunesse plus tôt dans la vie de la société car l’équilibre est menacé. Il y aura de plus en plus de votants de 45 ans par rapport à ceux de moins de 30 ans.
4-5 Droits des adolescents, droits des jeunes, confianceLes enfants et la jeunesse sont l’avenir d’un pays. Il nous appartient donc de bien les former et d’apprendre à leur faire confiance. Ils doivent avoir le droit de donner leur opinion, d’agir, de participer à l’avenir de leur commune comme de leur pays.
4-6 Droits des adolescents, droits des jeunes, participationDans le domaine de la jeunesse, le Conseil d’Administration dispose de l’aide de plusieurs organismes qui travaillent en étroite collaboration avec diverses associations et institutions qui, de leur côté, ont du poids dans la législation. Ils préconisent même d’impliquer les enfants le plus tôt possible. Parents, école, travailleurs sociaux ont un rôle à jouer.
4-8 Amélioration de la formation politique.
De récentes recherches ont prouvé que les connaissances politiques des jeunes citoyens* ne sont pas toujours satisfaisantes.
La matière « politique » existe bel et bien dans le programme scolaire mais elle n’est pas bien adaptée. De ce côté-là, il y a des progrès à réaliser, on travaille activement à l’amélioration du programme afin de l’adapter à la société actuelle.
Le manuel Politique et démocratie, vivre et apprendre a été distribué gratuitement aux écoles. Depuis, les éditeurs scolaires peuvent imprimer d’autres supports pour cette matière. La discipline « politique » est également abordée dans d’autres matières scolaires comme la géographie. (Notamment dans « traces, horizons, homme, espaces, temps, société » pour les 5ème – NDLR : attention, en Suisse, les classes se comptent de la 1ère, au primaire, à la 12ème, dernière classe de la « maturité suisse », équivalent du lycée. La 5ème correspond à la 6ème en France). Tout cela est approuvé par la commission compétence de l’Education Nationale.
Mais il faut également former les professeurs et futurs professeurs. Un module adéquat a donc été ajouté à leur programme : Vivre la démocratie, connaître la démocratie, formation et éducation, école, enfance, société.
* Notez l’emploi du mot citoyen : il n’y a qu’en France que l’on définit un citoyen comme « femme ou homme de plus de 18 ans !« , encore une mauvaise exception française, le mondialisme n’effaçant en général que les bonnes !
Nous sommes en plein dans l’actualité : ce 1er novembre 2012, c’est au tour de l’Argentine d’abaisser à 16 ans le droit de vote.
En Amérique du Sud, il y avait déjà l’Équateur et le Brésil.
Un avis. Ayant pris la connaissance de ce blog suite à l’un de vos commentaires sur un blog « LeMonde » et un autre sur « LeFigaro »…
Les aspirations idéalistes juridiques sont une chose, la réalité en est une autre. Vos aspirations vous paraissent justes mais elles sont irréalisables à l’heure d’aujourd’hui, et ce pour plusieurs raisons.
D’une part les jeunes d’aujourd’hui restent de plus en plus tard chez leurs parents, faute de moyens de subsistance qu’on refuse de leur accorder, c’est l’actualité : chômage des jeunes, déclassement des diplômés, fuite des cerveaux, j’en passe et des meilleures…
La véritable majorité à l’heure d’aujourd’hui elle n’est plus à 18, pas même à 21 mais au moins à 25 ans si l’on part du principe qu’elle s’acquière avec l’autonomie financière. C’est dur de l’admettre mais à 16 ans on est rien sans ses parents/proches/responsables.
Voter n’a rien de banal, c’est un geste qui peut-être lourd de conséquence. Je suis abstentionniste depuis mon premier vote à mes 18 ans, parce que j’ai perçu toute la perversité du système (bipartisme qui ne dit pas son nom, confiscation despotique du pouvoir pendant 5 ans, référendums ignorés, tutelle du pays par le droit communautaire…), plus question donc de participer à cette tartuferie institutionnelle.
Pour en revenir au sujet, je pense que le droit de vote à 16 ans c’est le meilleur moyen de s’aliéner les individus les plus influençables et les moins « savants », politiquement parlant : un jeune n’est ni mature, ni éveillé et encore moins politiquement responsable. Voter, c’est un choix grave qui doit être le fruit d’une réflexion personnelle à partir de la lecture des programmes des candidats.
Cela sous entend déjà que les votants sachent comment nos institutions fonctionnent. Sur dix jeunes, combien connaissent ne serait-ce que la date de l’entrée en vigueur de la Constitution de la Vème ? Un ou deux, grand maximum. Nous parlons tout de même d’une jeunesse qui, pour la plupart, machouille un « globish » tendance à l’issue du secondaire, peine à écrire une dictée de 25 lignes sans commettre deux à trois fautes par lignes !
Si je fie à ma propre expérience je me dis que si à 18 ans je n’étais pas mature en politique, en série générale et me destinant à des études de droit dont je suis sorti diplômé par la suite, je doute que l’immense majorité des jeunes français le soient, encore moins à 16 ans. Même à 30 piges et plus nombreux sont ceux qui sont incapables de concevoir la politique nationale indépendamment du prisme « droite/gauche ».
Lisez un peu les tribunes politiques estampillées « jeunes », les réflexions y sont affligeantes de stupidité, qu’elle que soit la couleur politique des intervenants ! Saufs rares exceptions, mais qui ne justifient pas l’octroi d’un droit dangereux par sa nature générale et impersonnelle, comme celui de pouvoir voter à 16 ans.
Aussi, dans vos réflexions, n’oubliez pas que le côté juridique n’est qu’une couleur d’une plus vaste mosaïque, que la jeunesse française est dépolitisée dans sa majorité parce que les jeunes ne veulent pas perpétuer ou entretenir le marigot politique qui a conduit le pays où il en est aujourd’hui. Et ils ont bien raison.
Un droit n’est pas une obligation me direz-vous, et vous aurez raison. Néanmoins même si ce droit venait à exister, ne vous attendez pas à ce que les jeunes se précipitent dans les isoloirs ou que les parents laissent leurs enfants, droits ou pas droits, jouer l’avenir du pays sur un coup de tête ou parce que le candidat plébiscité par les jeunes possède un vague air de ressemblance avec Justin Bieber. Vous me répondrez que je caricature et c’est vrai, mais à peine.
D’ailleurs ceux qui veulent octroyer ce droit ne se cachent même pas de vouloir simplement « séduire » les jeunes, ce qui dans le jargon politique signifie « attirer » puis « tromper ». Une réserve de voix commode et malléable à souhait, voilà ce que veulent les politiques.
C’est un juriste qui vous le dit. Sauf revirement à 180 degrés vers un vrai régime participatif avec des citoyens instruits, matures et donc capables de faire des choix d’adultes, accorder le droit de vote à des jeunes de 16 ans en France c’est équivalent à confier l’usage d’une carabine 22 long rifle à des enfants de 10 ans en espérant qu’ils ne se blessent.
@ « Un juriste parmi d’autres » : je vous ferais simplement remarquer que le droit de vote à 16 ans n’est pas une revendication exprimée par notre association, cela est écrit sur la page d’accueil. Cet article a pour objectif de montrer ce qui se fait en Suisse, car nous avons eu la chance d’avoir une traductrice de ces documents inédits.
L’association a pour priorité de défendre les autres droits, dont on ne parle que très peu. Par exemple, retirer du champ de l’autorité parentale la religion (comme le prônait Jean Carbonnier) et l’orientation scolaire, en faire des sujets de décision personnelle des « mineurs ».
Si la Suisse semble mure pour le droit de votre à 16 ans, c’est justement parce qu’elle a construit depuis un siècle ces autres droits et cette formation politique (intégrée à l’école) dont vous parlez.
Cela dit, nous rejetons dans votre commentaires les stéréotypes sur les jeunes gavés de globish et illettrés.